La Pleurante des rues de Prague

Publié le par Monsieur Guy

La Pleurante des rues de Prague   de Sylvie Germain

 

Adaptation et interprétation : Claire Ruppli

Lumières : Gaëtan Lajoye

Son : Benoît Pimont

 

Au Théâtre des Déchargeurs, 3 Rue des déchargeurs – 75001 - Paris, jusqu'au 9 octobre.

 

Arthur Adamov disait: "Une pièce de théâtre doit être le lieu où le monde visible et le monde invisible se touchent et se heurtent."

 

Cette rencontre entre le visible et l'invisible est au cœur du roman de Sylvie Germain: "La pleurante des rues de Prague".

Après en avoir fait la lecture, la comédienne Claire Ruppli a éprouvé le besoin de nous faire partager son émotion, en l'adaptant et l'interprétant pour le théâtre.

 

"La pleurante des rues de Prague" est un long poème dédié à la souffrance des anonymes de tous les temps.

 

La Pleurante symbolise et incarne la mémoire de cette souffrance, elle en est la condensation, la concentration:

" Elle est la mémoire qui jamais ne faillit, et qui marche, qui marche, glanant et ramassant tous les déchets jetés par la mémoire belle, sélective et hautaine. Elle recueille les vies infimes, les destins minuscules des gens de rien." (…) "C'est que, sous ses grands airs, l'Histoire pue."

 

La-pleurante-c-Stanislas-Kalimerov.JPG

                                                                                Photo © Stanislas Kalimerov.

 

Le phrasé de Claire Ruppli est comme un chant en suspend où les mots volent vers nous, malgré leurs poids chargés de sens. Elle incarne le rôle de la récitante, de la passante des rue de Prague, celle qui fait le récit de ses émois et de son émerveillement devant les apparitions successives de la Pleurante.

 

S'il est un vibrant hommage à toutes les victimes silencieuses et oubliées de l'Histoire, le texte de Sylvie Germain est aussi, et surtout, un hymne à la vie.

 

En l'adaptant pour le lieu de passage par excellence qu'est le théâtre, Claire Ruppli en accentue toute la dimension. Car ce texte est avant tout le récit d'un passage, celui du malheur singulier - le décès de son père - au malheur universel: la shoah.

 

La faculté de la narratrice à avoir recours à l'imagination, au délire, afin de faire du lien avec le vivant, interroge le spectateur sur la capacité de chacun à être présent, ou non, au monde.

En sortant des Déchargeurs ce soir là, j'ai repensé à cette phrase de Giorgio Agamben: "Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps." Le beau travail de Claire Ruppli en est la parfaite illustration.

Publié dans Théâtre

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article