La putain de l'Ohio

Publié le par Monsieur Guy

 

 

 

 

LA PUTAIN DE L'OHIO

de Hanokh Levin


La putain de l'Ohiotraduction Laurence Sendrowicz - Ed. Théâtrales, Comédies crues

mise en scène de Laurent Gutmann

Avec Eric Petitjean, Catherine Vinatier, Guillaume Geoffroy

    au Théâtre de l'Aquarium, jusqu'au 30 novembre


 Sur le plateau recouvert de terre battue, deux poutrelles métalliques rouillées se croisent en leurs extrémités, en fond de scène  "Just a dream" inscrit sur trois panneaux publicitaires de mauvais goût. La scénographie de Laurent Gutmann nous donne d'emblée la tonalité de la mélodie dramatique d'Hanokn Levin.

 


"La putain de l'Ohio" fait partie d'un ensemble de trois pièces parues aux Editions Théâtrales sous le titre de "Comédies Crues" dans une traduction de Laurence Sendrowicz. Doux euphémisme pour cette pièce licencieuse où rien ne nous est épargné, du coït à l'onanisme, le tout baignant dans un langage graveleux persillé de métaphores croustillantes. Âmes sensibles ne pas  s'abstenir, le théâtre d'Hanokh Levin est pour vous!

 

Le sexe, le fric, deux clochards (père et fils) une putain dure en affaire et comme toujours chez Levin, surtout quand il est servi comme ici, nous sommes face à la distorsion des êtres convulsés à l'extrême entre la misère de leur condition et leurs rêves inaccessibles. L'on pense à un tableau de Bacon, ne sachant s'il faut en rire ou en pleurer. La vie est une plaie pour les personnages du théâtre de Levin, pour eux seul le rêve semble en mesure de la cautériser.

 LPO Pierre Grosbois 075                                                                                            copyright Pierre Grosbois

 

 

Hanokh Levin nous tend un miroir où nous voyons nos vies mutilées en quête de prothèses.  Dans un premier temps nous nous dépêchons d'en rire avant d'être gagné par la tragédie. 

 

En prise à  la chute de son corps et à l'envol de ses pensées, Hoyamer (le père), dans sa course à la jouissance à tout prix se livre à toutes les contorsions jusqu'à la déchirure suprême. Son langage est sans concession, tendu, tout le contraire de son pauvre sexe. Eric Petitjean l'incarne à la perfection.

 LPO Pierre Grosbois 401                                                                                              copyright Pierre Grosbois

 


Hoyamal (le fils) et Kokotska (la putain)  sont dans la course à la puissance que pourrait éventuellement leur procurer l'argent, en les sortant de leur condition. Leurs langages sont souvent sinueux et sirupeux dans le but d'atteindre leurs fins.  Incarnés aussi tous deux à la perfection par Guillaume Geoffroy et Catherine Vinatier.

 

Hanokh Levin ne prend pas de haut ses personnages, ce ne sont pas pour lui des marionnettes pendues au fil d'un destin qui les rendrait victimes ou coupables. Il parle de leurs places en leur donnant une grande liberté. Fin dialecticien il sait court-circuiter les contradictions en empêchant de ce fait toute écoute manichéenne et moralisante, il  contraint le spectateur  à puiser dans son propre vécu. Du grotesque, mais pas d'absurde chez Levin, ce serait pour lui trop facile de s'échapper à si peu de frais.

 LPO Pierre Grosbois 314                                                                                         copyright Pierre Grosbois


Mise en scène, scénographie, et direction d'acteur, le tout est orchestré de façon magistrale par Laurent Gutmann. Un vrai et beau travail méticuleux  d'artiste artisan d'où nait une énergie alliant poésie et politique au service d'un regard intransigeant sur notre condition humaine.

 

 

 

 

 

 

Publié dans Théâtre

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